Le pouvoir du ‘Non’
Le pouvoir du ‘Non’

« Non. » Ça fait tout de suite réagir : par la surprise, l’animosité, le silence. On l’entend rarement sous sa forme brute, alors que c’est un des premiers mots que l’on apprend, tous langages confondus.
On entend plutôt « Non mais », « Je pense plutôt que », ou même « Pourquoi pas », voire même pire : « Oui ».
Dans notre monde où l’instantanéité règne, que ce soit en zappant, en scrollant ou en travaillant, nos journées sont parsemées de micros décisions. La plupart sont anodines, mais certaines finissent par nous façonner peu à peu, qu’on le veuille ou non. C’est pourquoi il est essentiel de garder le contrôle sur ces choix. Le « Oui » étant souvent la réponse la plus facile, maîtriser l’art de dire « non » devient crucial. Que l’on soit dans l’industrie, le conseil ou la mode, savoir dire non est fondamental. Nous avons tous besoin de poser des limites, de gérer des attentes, de préserver l’essence de notre travail.
Je ne compte pas vous énumérer tous les moyens de dire non dans cet article, ni de vous suggérer un moyen plutôt qu’un autre, mais plutôt de vous faire (re)prendre conscience que dire « non » n’est pas une mauvaise chose, c’est en réalité tout le contraire.
Je ne peux pas, j’ai piscine.
Au Japon, il existe un phénomène appelé tatemae, ce qui pourrait être traduit par « la façade », tandis que le honne signifierait plutôt « pensées véritables ». Le quotidien japonais est un jonglage constant entre ce que nous pensons vraiment et ce que l’on montre en public, où le « non » n’a pas sa place.
Il faut alors trouver un moyen d’exprimer son désaccord de manière indirecte, souvent par des explications nuancées ou des raisons (parfois inventées) pour ne pas briser cette façade sociale.
On a tous déjà trouvé des excuses similaires, car nous sommes avant tout des créatures sociales. On ne peut pas dire « Non » en bonne conscience, à moins que ce soit pour quelque chose de trivial. Et même dans ce cas, on entendra des formules adoucies, comme « Non merci », par exemple.
C’est bien la preuve que ce mot a un certain poids.
Évidemment, je ne parle pas uniquement du mot « Non », mais plutôt de tout ce que l’on peut utiliser afin de protéger notre engagement. Déléguer, temporiser, proposer une alternative : il y a de nombreux moyens de maintenir une bonne relation sans approuver chaque décision. Car affirmer quelque chose signifie s’engager et être garant du résultat. Un « Oui » mal réfléchi peut entraîner des conséquences inattendues, et il est difficile ensuite de revenir sur sa parole sans effriter la confiance que l’on nous a accordée.
Spiderman
« With great power comes great responsibility », Oncle Ben avait raison !
Plus notre avis et notre expertise sont importants, plus notre « oui » doit être réfléchi. Dire oui ouvre des portes, créer des opportunités, mais dire oui est précieux. On ne peut pas tout savoir, et on ne peut pas s’engager partout.
À chaque « oui » que nous prononçons, nous investissons dans une relation de confiance. Lorsque nous acceptons des engagements sans discernement, nous risquons d’affaiblir cette confiance.
Cela peut paraître peu optimiste, car dire « oui » est un pas vers l’avant, le désir d’apprendre, les défis passionnants et les nouvelles idées, mais dire oui est limité.
Le véritable optimisme, c’est savoir que chaque « Non » bien pensé libère de la place pour des « Oui » plus judicieux.
Oui à de meilleures priorités, oui à plus de temps, oui à ce qui compte vraiment.
Que ce soit lors d’un projet ou dans la vie de tous les jours, notre capacité à prendre des décisions, à prioriser et à gérer notre temps est toujours mise à l’épreuve.
On entend des termes comme le scope creep (élargissement incontrôlé du périmètre d’un projet), le crunch (période de travail intense afin de tenir un délai), ou le FOMO (Fear of Missing Out, peur de louper une opportunité), qui gravitent tous autour de notre incapacité à dire « non » quand il le faut, à garder l’essentiel et à décliner le superflu.
Dire « non », c’est s’assurer que l’on reste fidèle à ce qui compte vraiment, que ce soit la qualité, la vision ou les priorités. En fin de compte, « Non » permet d’ouvrir des portes que l’on n’aurait jamais vues si on avait tout accepté sans réfléchir.
No Man
Bien sûr, le but n’est pas de devenir un “Yes Man” inversé, le défi réside dans l’équilibre. C’est un problème délicat, si aujourd’hui nous utilisons des outils comme le graphique d’Eisenhower ou le principe de Pareto pour aider notre prise de décision, c’est parce qu’il n’y a pas de réponse miracle.
Chaque décision est un pari sur l’avenir.
La vraie question que chacun devrait se poser est : « Suis-je en train de dire ‘Oui’ parce que j’y crois, ou parce que c’est plus simple que de dire ‘Non’ ? »
Et là, quelque part entre un « Oui » enthousiaste et un « Non » assuré se trouve la voie qui nous permet de rester fidèles à nos valeurs, de prendre des décisions plus éclairées, de bâtir des relations de confiance et d’avancer de manière plus authentique dans ce que nous entreprenons.